LE MONDE DE COULEURS
-Sidfrien, Sidfrien viens voir dépêche-toi.
-Arrête un peu de crier, il est tard, tu vas réveiller toute la forêt, répond ledit Sidfrien.
J'essaie d'ouvrir les yeux, mais mes paupières n'ont jamais été aussi lourdes. Ma tête me fait mal. A part ces deux voix masculines que je ne connais pas, aucun bruit ne m'entoure. Je m'inquiète, mais je ne suis pas en état de bouger, et encore moins de me défendre, je peux que me contenter de rester là. Une main se pose sur mon épaule, et me secoue brusquement, c'est ce que m'indique mon corps, mais il me fait tellement mal que je ne m'y fis pas.
-Mylgan ! Arrête un peu de la secouer, si elle est ici, au milieu du chemin, ça me paraît évident qu'elle ne s'est pas installée là pour dormir. Elle ne doit pas être bien.
C'est la deuxième voix, qui vient de recommencer à parler, enfin quelqu'un de sensé. L'autre a arrêté de me secouer, pour le plus grand bonheur de ma tête qui ne supporte plus très bien toute cette agitation.
-Bon monsieur le génie, on fait quoi alors ? Demande cyniquement le dénommé Mylgan.
-Aide moi à la porter, on va la ramener cher toi, et demain si elle ne va pas mieux j'appellerai le maladotin.
Des bras puissants se glissent sous mon corps, et me soulèvent, alors que je me demande qui peut bien être ce maladotin. Mes pensées recommencent à se mélanger, je ne comprends plus la discussion. Je laisse alors mon esprit partir, alors que je suis installée contre un torse chaud.
J'ouvre difficilement les yeux, il fait soleil dehors, c'est le matin. Pourtant mes paupières sont lourdes, bien trop lourdes. J'essaie de savoir ce que j'ai fait hier soir pour être autant fatiguée, mais rien, le trou noir. Je ne me souviens de rien. Je sens la panique me gagner, j'ouvre les yeux en me redressant. Où est ce que je suis ? J'observe attentivement la chambre, car c'est bien dans une chambre que j'ai passé la nuit, pour trouver un indice de l'endroit où je me trouve. Les murs sont d'une étrange couleur, le bleu nuit et le violet fusionnent, on pourrai croire qu'ils ont été mélangés à même le mur alors que les couleurs étaient encore fraîches. A part ça la chambre est banale, et même plutôt vide, une commode est placée face au lit, aucun objet ou bibelot n'est visible, seul un miroir est suspendu au-dessus de ce meuble. Des bruits extérieurs entraînent mon regard vers la seule fenêtre de la chambre, elle est ouverte et donne sur un arbre aux allures imposantes.
-Oh très bien vous êtes réveillée, je vous apporte de quoi manger.
Alors que je n'ai qu'eu le temps de me retourner, la porte se referme. Je reste pourtant pantoise devant ce que je viens de voir. Ce n'est pas un humain qui viens de passer en coup de vent dans la chambre. Mais une chose qui s'apparenterait plus à un extraterrestre. La créature était bleue, entièrement bleu nuit, avec comme des oreilles de chat sur la tête. Mais ce qui m'a le plus surprise, ce sont ses mains. Elles avaient sept doigts, j'en suis presque sûre. Je me frotte les yeux pour être sûre d'y voir bien clair la prochaine fois. Je dois avoir rêvé, j'ai dû me prendre un coup sur la tête qui ne m'a pas fait du bien. Ou alors c'était un déguisement, il y a toujours des illuminés qui en portent en permanence.
-Je commence à perdre la tête, moi. Et voilà maintenant je parle seule !
Je me redresse doucement pour aller me voir dans le miroir, je ne sais pas où je suis, ni chez qui je suis, alors je préfère vérifier que je suis quand même un minimum présentable.
-AAAAH !
Je fait un bon en arrière en me retournant. Il y a une créature dans la chambre. Je me retourne dans tout les sens, mais je ne trouve rien. Pourtant je suis sûre d'avoir vue son reflet dans le miroir. Après avoir inspecté une fois de plus la chambre, je me persuade d'avoir halluciné et retourne vers le miroir.
-AAAAAAH !
C'est moi ! C'est dans le miroir ! Je suis...je suis toute grise ! Sur la pointe des pieds je m'approche du miroir et pose ma main dessus. Il est froid. Il n'a rien de différent des autres, alors pourquoi est-ce qu'il m'envoie une image de monstre....? Enfin c'est un joli monstre gris, avec de longs cheveux noirs et lisses, avec deux oreilles de chat qui dépasse, et des petits yeux en amande couleur de jais. La bouche couleur grenat ressort bien cet assortiment sombre de couleurs. Sur les mains il y a deux pouces en trop, soit sept doigts. Je m'approche un peu plus du miroir pour être sûre de bien voir. Ma main s'approche du sommet de ma tête et entre en contact avec les oreilles de chat, sur mon crâne.
-AAH !
Elles sont vraies ! Elles sont vraies ! Elles ont bougé quand je les ai touchées. Je recommence ma démarche et touche à nouveau les oreilles. Elles sont douces et se courbent sous la caresse, j'en aurais presque envie de ronronner.
-Aïe !
Pour être sure qu'elles soient réelles je viens de les pincer, et vue la douleur je confirme, elles ne sont pas en plastique. La porte s'ouvre tellement vite que j'en sursaute. La créature bleue entre dans la chambre avec dans les mains un grand plateau qui a l'air préparé pour un énorme festin.
-Et voilà le plateau de madame ! Super, vous êtes debout. Vous nous avez fait peur hier. Quelle idée de tomber au milieu de la rue. Heureusement que mon ami Sidfrien et moi étions là. Vous êtes chez moi ici, dans la chambre d'amis. Vous allez bien ? J'ai oublié de vous le demander. Oh je suis désolé, je ne me suis pas présenté. Je m'appelle Milgan. Je suis un caresseur de fruit avec Sidfrien. Et vous ?
Je reste sans voix devant un tel débit de parole, mais surtout, à aucun moment sa bouche n'a bougé. Ses lèvres sont restées hermétiquement close tout le long de sa tirade.
-Euh...En...Enaïs.
Oh ! Mes yeux doivent s'agrandir de stupeur. Ma bouche non plus n'a pas bougé quand je lui ai répondu. J'ai fait de la télépathie. Tout comme lui.
-Et bien alors Enaïs, ça vous dirait de casser la croûte avec moi ? Je n'ai pas eu le temps de manger encore, alors j'ai tout préparé. Je ne savais pas ce que vous aimiez alors j'ai fait un peu de tout. Les malamangues je les ai caressées moi-même, elles sont de la première fraîcheur.
Je regarde ces drôles de fruits roses qu'il me désigne. On dirait des mangues, mais avec la taille d'une pastèque, enfin je le suppose parce que le fruit est coupé en deux. Le plateau entier est garni de ce qui semble être des fruits, mais je n'en reconnais aucun. Il y en a de tous les couleurs, même des bleus et violets.
Je m'installe sur le lit face à mon hôte. Et pioche un premier fruit, après qu'il aitlui-même commencé à manger. Je me lance et déguste une de ces malamangues. C'est très savoureux, extrêmement bon, mais je ne saurais le décrire, ça ne s'apparente à rien que je ne connaisse. Le fruit fond sur la langue, et il a un goût sucré, comme de la fraise, mais avec un arrière-goût de melon et de banane, mais avec quelque chose en plus que je ne saurais décire. Après cette expérience réussie, je me jette sur un autre fruit. Je ne m'en était pas aperçue, mais mon ventre criait famine. Le second fruit est beaucoup plus surprenant. Il est violet, et rempli de petites épines sur l'extérieur, mais l'intérieur est d'un bleu turquoise étonnant, avec un énorme noyau vert. Ce qui m'a surprise, c'est son goût, j'ai l'impression de manger du poulet aux épices. C'est délicieux, mais très inattendu venant d'un fruit. Le repas se poursuit avec mes découvertes culinaires, alors que Milgan se lance dans un monologue enflammé, dont je ne saisis pas tout. La télépathie à un avantage certain, on ne parle jamais la bouche pleine.
-Alors tu viens d'où ? Parce que je ne t'ai jamais vue par ici, et je m'en serai souvenu, ta couleur n'est pas très commune. M'interroge Milgan.
-Euh ! En fait j'en sais rien, je ne me souviens de rien, à part mon prénom. Je sais juste que ce monde est étrange. Rien ne m'est familier, même nos apparences ne sont pas normales pour moi. J'ai l'impression de venir d'ailleurs. D'un endroit où rien n'est pareil. Mais je n'arrive pas vraiment à m'en souvenir, c'est une impression.
-Tu sais quoi, je vais aller réveiller mon Magnopteur, Sidfrien et après on va aller voir un maladotin. Je pense que c'est le mieux à faire.
Sur ce mon hôte sort de la chambre, avec le plateau presque entièrement vide. Magnopteur ? Sidfrien ? Maladotin ? Je ne comprend rien à ce qu'il raconte, mais je décide de lui faire confiance. Après tout c'est la seule personne que je connaisse. Après un petit moment d'attente, je me décide enfin à sortir de la chambre pour voir ce qu'il en est. Je suis un couloir, et tombe dans ce qui semble être le séjour. Les murs de toute la maison sont les mêmes que ceux de la chambre, d'un violet et un bleu nuit qui fusionnent. Cette maison a un charme incontesté. Le mobilier est entièrement fait de bois, mais tout semble sorti de terre tel quel, il n'y a pas de jointure, les étagères contre le mur, semblent en fait avoir été sculptées dans ce même mur. Les chaises, le canapé; tout est magnifiquement sculpté, les branches s'enlacent, s'enroulent pour former les meubles. Tous ces objets me font penser à de très vieux arbres avec leurs belles courbes qui se seraient transformés pour être fonctionnel. Je m'avance vers le fauteuil, et le caresse doucement, c'est doux, je ai l'impression d'avoir du bois très précieux sous la main. Je le contourne et m'assois dessus avec délicatesse. Je n'ai jamais rien trouvé d'aussi confortable. Le bois épouse les formes de mon corps parfaitement, on pourrai croire qu'il a été taillé pour moi. Je reste assise dans le fauteuil, en observant le reste de la pièce. Alors que je m'attarde sur les fenêtres qui donnent sur un magnifique panorama, bien qu'étrange par ses couleurs, mon hôte et une autre personne, cette fois turquoise, entrent dans la pièce.
-Ah ! Très bien Enaïs, si tu es prête, on peut y aller, déclare Milgan.
-Oh fait moi c'est Sidfrien, se présente la créature turquoise.
-Enaïs, je lui réponds poliment, avec un sourire.