Concours de Jabonz ~~Ecrit de Liv'

[Myan ouvrit le box, construit de ses propres mains, et Tax s’approcha pour que son maître puisse le sortir. Le cheval, d’une robe grise tachetée de noir, n’était pas sorti de son écurie depuis une semaine et visiblement il avait hâte de se dégourdir les pattes. Docilement, il accepta le harnais que lui passa Myan pour le sortir. Comme à son habitude, le fermier laissa son animal gambader et brouter pendant une dizaine de minutes pour le détendre où il profita de finir sa maigre collation.
A la fin de cette partie de distraction, le vieil homme rappela son compagnon. Docile et obéissant, Tax s’approcha. Le fermier tendit une main vers lui.
- Allez, on va bosser maintenant, j’espère que tu t’es bien régalé, gros glouton.
L’équin hennit comme signe de compréhension et suivit l’homme vers la vieille charrue qui était dans un coin, près de l’écurie.
A ce moment, un éclair s’écrasa au milieu de la forêt qui se trouvait à quelques centaines de mètres de la ferme de Myan. Tax fut pris de panique et échappa à son éleveur.
- Tax ! cria celui-ci, reviens, espèce de bourrique.]

Le cheval ne l’écouta pas. Pris de panique, il hennissait, se cabrait avant de se laisser retomber pour frapper le sol de ses antérieurs. Il ne s’était pas enfui mais le vieil homme sentait qu’à la moindre erreur, le cheval s’élancerait au galop…Et le pré n’était clôturé que sur trois côtés. Myan se plaça face à lui et se mit à lui parler d’une voix douce, murmurant des paroles au rythme chantant, qui n’avaient aucune signification mais dont le flot courait comme une vague d’apaisement sur le cheval emballé. Peu à peu, Tax cessa de trembler, ses oreilles couchées se redressèrent et il vint chercher la main de son maître afin que celui-ci le caresse.

-Voilà, mon beau, sourit affectueusement Myan. Mais je me demande d’où provenait cet éclair…Tu n’aurais pas une idée ?

Tax le regarda puis baissa la tête et se remit à brouter goulûment. Myan ne se formalisa pas de l’indifférence affichée de l’animal. Il se contenta de lui passer une longe qu’il enroula ensuite autour de la barrière. Sûr à présent que, quoi qu’il arrive, le cheval ne s’échapperait pas, il se demandait où était tombé exactement l’éclair et s’il avait une signification particulière. Les Dieux lui auraient-ils envoyé un messager ? Si c’était le cas, il s’était déjà trop attardé. Myan n’avait jamais aperçu un quelconque être céleste mais il avait entendu assez de mythes pour savoir que leur moindre demande devait être exaucée dans les plus brefs délais sous peine de châtiments. Et les détails des histoires mentionnaient assez largement ces punitions pour que personne n’ait envie de mettre les Dieux à l’épreuve.

Soudain inquiet, le vieil homme s’empressa dans la direction de la forêt, attentif aux bruits environnants qui le renseigneraient sur la présence éventuelle d’un intrus. Il s’engagea sous les épaisses frondaisons et l’obscurité des bois se referma sur lui. La forêt cependant n’était pas un royaume d’ombres et de terreur, elle vivait, bruissant du souffle du vent dans ses feuilles, s’agitant au bref passage d’un animal effarouché, chantant au son des voix guillerettes des oiseaux. A priori, rien ne semblait perturber l’existence paisible des habitants forestiers.

Cependant, à mesure qu’il approchait de la direction approximative de la chute de l’éclair, le silence se fit. Les animaux n’étaient pas encore revenus sur le lieu de leurs ébats, il risquait donc d’y avoir du danger…Mais la créature la plus dangereuse rencontrée par Myan dans les environs était les lapins, et comme chacun sait, la notion du danger de ces herbivores est des plus élémentaires. Avançant résolument, le fermier écarta une dernière broussaille qui lui voilait la vue sur une petite clairière ensoleillée et verdoyante.

Autrefois.

Il resta figé. Il avait trouvé sans doute aucun l’endroit précis où s’était abattu l’éclair.

La clairière était dévastée. L’herbe, auparavant resplendissante, n’était plus qu’un amas de cendre, que le vent balayerait vite. Les arbres avaient également soufferts. Des morceaux d’écorce avaient volé, soufflés par l’éclair et dévoilaient la peau blanche et fragile des hêtres et des chênes. Des feuilles noircies voletaient encore faiblement puis tourbillonnant une dernière fois, venaient mourir aux pieds de Myan. L’homme ne put retenir un geste de colère envers ceux qui avaient fait cela. La forêt était sienne –du moins, il la considérait comme telle. S’en prendre à elle, c’était l’attaquer, lui.

Son regard tomba alors sur un corps étendu. Il ne l’avait tout d’abord pas aperçu car il reposait sur sa gauche, à l’extrême bord de la clairière, là où la dévastation semblait la plus importante. Son ressentiment s’envola aussitôt. Quelqu’un ici avait besoin de son aide.

Il s’approcha rapidement et étouffa une exclamation. Il s’agissait d’un jeune homme, un adolescent encore. Son visage juvénile, encore imberbe, paraissait étrangement paisible au milieu du carnage qui l’entourait. Ses cheveux blonds lui faisaient une couronne dont l’éclat était rehaussé par les rayons du soleil. Ses yeux fermés et bordés de longs cils noirs, son teint pâle, cette chevelure d’or, tout en lui le faisait ressembler à un ange. Myan l’examina attentivement. A part sa pâleur, l’adolescent ne présentait aucun signe de blessure. Comment était-il arrivé là ? Et quand ? Avait-il assisté à la chute de l’ éclair ? L’avait-il provoquée ? Ou la foudre était-elle le signe annonçant sa venue ?

Ces questions tourbillonnaient dans l’esprit de Myan, sans qu’il puisse apporter une seule réponse. Il tenta alors d’ éveiller l’enfant mais ce fut peine perdue ; il résolut donc de le ramener chez lui et de veiller sur lui jusqu’à ce qu’il reprenne connaissance. Il saurait alors quoi faire de lui. Il eut une brève pensée pour les parents qui devaient se faire un sang d’encre pour leur fils.

Encore vigoureux pour son âge, Myan se baissa et prit le garçon dans ses bras sans que celui-ci réagisse, toujours plongé dans l’inconscience. Sa tête ballotta un instant puis vint reposer sur l’épaule solide du fermier qui reprit le chemin de la ferme.

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