Le narrateur passe l'été en famille, avec sa femme et leurs
jumelles de sept ans, dans leur maison normande au bord de la mer. II rencontre
par hasard Alice, une vieille dame abrupte et bienveillante à la fois,
volontiers malicieuse. Il lui rend visite à plusieurs reprises et une attente
semble s'installer : l'homme est en vacances, vacant pour ainsi dire, intrigué
et attiré malgré lui ; Alice a des choses à raconter, qu'elle n'a jamais pu
dire à personne, des souvenirs qui n'attendaient que lui pour remonter à la
surface et s'énoncer. Tout commence par un voyage à New York qu'elle a effectué
dans sa jeunesse, en 1941, en compagnie de son père photographe et d'André
Breton. Ensemble, ils ont approché les Indiens hopi d'Arizona, dont l'art et
les croyances les ont fascinés. Dans l'or du temps plonge au plus intime de ses
personnages par petites touches, l'air de rien. Hommage à la figure d'André
Breton et à la culture sacrée des Indiens hopi, ce magnifique roman célèbre les
rencontres exceptionnelles, celles qui bouleversent l'âme et modifient le cours
des existences.
Claudie Gallay pratique une manière d'écriture
« blanche », très travaillée. Des phrases courtes détaillant des
gestes simples ( rouler du tabac, tapoter un objet, lever la main) qui
deviennent sous sa plume autant de singularités, voire de signes à interpréter.
Cette écriture interroge de près les cinq sens: ce l'on voit, entend ,
touche, ressent... lorsque l'on est vraiment attentif au temps qui passe.
Les rencontres et sorties des protagonistes sont décrites comme autant de
cérémonies, dont on attend quelque révélation . Et je vous rassure : Alice a
vraiment quelque chose à dire !
D'autres personnages font leur apparitions au travers de documents lus par
le narrateur : ce sont plusieurs de ces Indiens Hopi dont l'existence fut
bouleversée par l'intrusion de représentants d'une civilisation étrangère. Des
représentants qui convoitent leurs objets sacrés, en lesquels ils voient des
merveilles d'esthétique. Personne ne sortira indemne de ce choc de cultures.
Le titre est tiré de l'épitaphe inscrit sur la tombe d'André Breton, «
je cherche l'or du temps » au cimetière des Batignolles. Jolie métaphore
pour revendiquer que le temps ne soit pas de l'argent...
Au final, beaucoup de qualités d'écriture mises en œuvre par l'auteur, et un
intérêt documentaire certain, donnent un livre intéressant mais tout de même
assez ennuyeux quoiqu'il se lise sans aucune idée d'abandon et que l'on saute
peu de pages.
Que se passe-t-il pour qu'Alice en fin de compte reste une vieille dame
assez désagréable et pas vraiment pathétique en dépit des événements tragiques
qu'elle porte en elle et ne parvient pas à nous faire totalement partager?
Pourquoi le narrateur n'a-t-il pas assez d'épaisseur?
Tout ce qui a trait à la famille du narrateur, Anna et les «
filles » irrite un peu car ce domaine reste faible, alors qu'il devrait
fonctionner comme une force d'opposition face à Alice-le narrateur.
Si ce narrateur avait été célibataire, le récit eût été plus vigoureux.
L'auteur n'atteint pas tout à fait son but. Les phrases qu'elle voudrait
chargées d'émotion, et comme en suspens, tombent un peu à plat. Ici ce sont les
témoignages des Indiens qui emportent le plus l'adhésion( peut-être parce
quelles sont racontées de façon plus simple et plus forte?), et certaines
scènes, telle la danse du serpent sont vraiment belles.