commentaires et avis Le Monde De Milal

L’administrateur demanda à ce qu’on vienne chercher le fauteur de trouble. Il réglerait l’affaire lui-même. Marwyna s’inclina devant l’administrateur assis sur son fauteuil. Celle-ci avait un œil au beurre noir, la clavicule en sang et un pied foulé. Ses vêtements verts pomme à moitié déchirés. Malgré ses douloureuses blessures, elle restait une très belle femme. La voyant, l’administrateur demanda que tous soient soignés. On exécuta son ordre. L’administrateur était un homme d’une cinquantaine d’années qui avait accédé à ce poste voilà maintenant seize ans. Il semblait pourtant très troublé, ne sachant pas trop quoi faire.
Grand, maigre, bien construit et châtain-frisé, il regarda Marwyna de ses yeux marron et prit un air consterné.
Il dit :
− Je suis vraiment navré que ma nièce sache cela. Elle avait de l’affection pour votre famille, plus particulièrement pour votre fils, Milal. Du moins c’est ce que j’ai pu comprendre. Maintenant, je crois qu’elle n’en aura plus.
Il se leva, marcha de long en large dans la salle. Celle-ci était grande, bien éclairée mais d’une couleur quelque peu… lugubre.
Il réfléchit quelques minutes, revint s’asseoir, prit un air sévère, et dit :
− Vous avez semé le trouble dans le quartier. Les autres demandent la mort de votre fils Farol. Je n’ai pas à obéir à leur demande. Mais, je vous demanderai de bien vouloir dire à votre fils de se calmer et de dormir la nuit. La rumeur m’est également venue à l’oreille. Pour faire taire cette rumeur, je vous garderai ici dans une de mes chambres pendant deux jours.
− Je refuse, je… je préfère la prison, hésita-t-elle.
− Si vous le désirez tant que ça, je ne vais pas m’opposer. Mais sachez que je ne décline jamais mon offre, répondit-il calmement. Quoi qu’il en soit, vous serez d’abord soignée que vous le vouliez ou non. Et lorsque dans deux nuits vous partirez, je vous conseille fortement de rester chez vous. Qu’on vous oublie, finit-il en la regardant.
− Je ne vois pas pourquoi, je suis libre d’aller où je veux autant que ça me chante.
− Si vous refusez de coopérez, je serai contraint de vous garder plus longtemps ici, répondit-il d’un air songeur.
− Très bien, je resterai chez moi, se soumit-elle.
− J’aime mieux ça. Il disait toujours cela pour renforcer son autorité. Il paraissait plus sûr de lui de cette manière. Je vous demanderai d’attendre ici le temps que les autres sortent et rentrent chez eux.
Il sortit de la salle en laissant deux gardes à l’intérieur. Il se dirigea dehors vers le capitaine qui l’accompagna ensuite jusqu’à la prison. Il parla aux autres. C’est ainsi qu’il désignait les grands groupes. Il leur dit qu’il n’y avait aucune sorcellerie concernant Farol, que c’était juste qu’il fabriquait quelque chose pour sa mère et que s’il le faisait la nuit, c’était pour ne pas qu’elle s’en rende compte. Les autres prirent un air confus. Puis on les relâcha et ils rentrèrent chez eux. Marwyna fut alors conduite dans une des cellules. L’administrateur suivit son regard. Elle entra dans une des cellules. Elle était sombre, mal éclairée, les souris passaient à leurs aises. Elle ressentit du dégoût et au moment où on allait fermer la cellule, elle annonça :
− Finalement, si vous êtes toujours d’accord, je dormirai bien dans une de vos chambres.
− Je le savais, s’exclama l’administrateur content, je n’ai jamais douté de cela. Je savais que vous ne supporteriez pas cette puanteur. Si bien que je vous ai fait préparé une chambre. Venez, sortez vite d’ici.
− Merci, mais il ne fallait pas.
− Si, je me le devais. Jamais je n’ai fait dormir une femme dans une cellule et jamais je ne le ferais. Jamais.

Elle suivit l’administrateur. Les gardes retournèrent à leur poste. Ils se dirigèrent vers ses appartements, mais n’entrèrent pas. Ils passèrent juste à droite de la porte, prolongèrent le mur et tournèrent juste à gauche. Ils firent une bonne trentaine de mètres puis débouchèrent vers une coquette maison sans étage. Il y avait un jardin avec ses fleurs et ses arbres. On pouvait voir la cité entière sur la gauche. Marwyna eut le temps d’apercevoir sa maison. Elle était toute petite vue d’ici. Marwyna entra à l’intérieur de la maison et vit une foule de gens en activité. Ils aménageaient la maison. Certains passaient la serpillière, d’autres préparaient un bain bien chaud pour Marwyna, d’autres encore mettaient la table et faisaient la cuisine. C’était une maison avec beaucoup de charme.
− Cette maison appartenait à ma mère. Elle s’est toujours refusée de dormir dans le palais. Si bien que j’avais fais construire cette maison pour elle. Ici, vous avez une porte qui mène au jardin de mes appartements. Elle n’est pas fermée. Mais je vous conseille de ne pas entrer. Comprenez-moi, si Lysia vous voyez, elle serait furieuse contre vous et… moi-même.
Marwyna fit un tour dans la maison, tout était parfaitement organisé. La chambre d’un côté et la salle de bain d’un autre étaient sur la gauche quand on regarde l’entrée. La cuisine, la salle à manger, et une porte donnant sur le jardin de la maison se trouvaient sur la droite. Elle prolongea le couloir, ouvrit la porte et s’imprégna du parfum du jardin. Il y avait des roses, un petit bassin, un seul arbre : un chêne, et un mur de deux mètres qui faisait le tour du jardin. La maison se trouvait au bout à gauche de la propriété.
− Je vous remercie beaucoup, pourtant il ne fallait pas me donner tant, vous n’aviez pas à le faire. Je ne suis pas une invitée, je suis prisonnière.
− Bien sûr, et je peux faire plus, dit-il comme s’il n’avait pas entendu la dernière phrase. J’ai envoyé quelqu’un chez vous pour ramener vos fils.
− Pourquoi ? Mes fils savent très bien se débrouiller.
− Je sais, c’est pourquoi on ne les a pas trouvé. Ils n’étaient pas là.
− Bah, ils reviendront. Pourtant je vous demande de les laisser, implora-t-elle.
− De toute façon, je suis certain qu’ils n’auraient pas voulu.
− Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
− Allons, Marwyna, vous savez aussi bien que moi que Milal et Farol ont toujours refusé l’aide qu’on leur apportait.
− Oui, c’est vrai.
− Je vous laisse, j’ai à faire. Ici on s’occupera bien de vous. Faites comme bon vous semble mais ne sortez pas.
− D’accord, mais que m’arriverait-il donc de si fâcheux ?
− Qu’un garde vous jette au cachot, dit-il.

Il donna des ordres pour que sa nièce ne puisse pas sortir de la propriété. Ainsi elle ne rencontrerait pas Milal. Gaparox demanda à ce que Marwyna soit convenablement traitée jusqu’à nouvel ordre. L’administrateur rejoignit son bureau personnel. Marwyna, quant à elle, se laissa aux soins des servantes. Elle se déshabilla et entra dans le bain mousseux qu’on lui avait préparé. Elle se lava et se reposa un bon quart d’heure. Le savon avait un parfum de lavande douce. Elle se dirigea ensuite dans sa chambre. Elle vit qu’on lui avait apporté plusieurs vêtements. Notamment des robes et une tenue de nuit. Toutes aussi belles les unes que les autres. Elle revêtit la chemise de nuit en soie rose. Elle était ornée de pépites d’or et de diamants. Un des diamants correspondait à l’emplacement de son nombril. Elle se demanda ce que l’administrateur tramait. Voulait-il quelque chose de particulier ou faisait-il simplement cela avec les femmes qu’il « emprisonnait » ?
Elle y réfléchit quelques minutes et opta pour la seconde solution.
Elle se coucha sur son lit pour en tester la solidité et la douceur. Il était parfait. Il n’y avait maintenant plus de servantes dans la maison. Elle était seule. Elle se leva pour aller s’asseoir à la table à manger. Il y avait un repas digne d’une reine. Marwyna s’assit et le dégusta. En entrée, il y avait un potage, ensuite une escalope de dinde. Et pour terminer, une tarte aux pommes. Rassasiée, elle se promena dans le jardin pour admirer le coucher de soleil. Elle s’assit sur un banc en bois qui se trouvait sous le chêne pour respirer l’air frais venu de la montagne. Après que le soleil eut disparu, elle alla faire de même en se couchant. Les rideaux tirés, elle s’endormit bien vite.

Le ciel était encore clair quand Farol et Milal rentrèrent de leur promenade. Milal avait presque oublié l’histoire avec l’homme de la forêt. Ils s’étaient absentés le temps que leur mère fasse son marché. Arrivés, ils virent Lhurim devant leur maison. Il leur raconta ce qui s’était passé sur la place, puis resta manger avec eux malgré l’heure. Lhurim repartit tard chez lui. C’est un garçon de onze ans. Il n’a ni père, ni mère, ni frères et ni sœurs. Il vit dans un petit espace près de la place du quartier Nord. Il travaille à la maréchalerie. Le patron lui avait donné comme cadeau pour le travail qu’il faisait, un magnifique étalon. Mais celui-ci restait à la maréchalerie. Lhurim est blond, il a les yeux verts et sa tête ressemble à une grosse tomate. Il lui manque également quelques dents. Si bien que quelques fois on lui disait « eh, vieux papy, t’as perdu tes dents en croquant dans une tomate, ha ha ha ». Il déteste ces personnes-là plus que tout. Il n’y a parmi ceux de sa génération que Milal, Lysia et Ghirval qui ne le traitent pas de cette manière. C’est pourquoi ils s’amusent avec eux.
Milal et Farol étaient tristes. Ils étaient seuls. Pour cette nuit, l’aîné décida qu’il resterait dans la maison. Il n’irait pas dans sa mansarde. Milal se coucha quelques minutes avant son frère. Il s’endormit très vite. Farol s’étendit sur son lit et réfléchit. Il n’avait pas la tête à dormir.
La nuit se fit calme. Les lumières de toute la cité s’éteignirent tôt. Après cette chaude et dure journée, chacun préférait dormir. On entendait juste quelque chat miaulait. Mais c’était tout.