Le monstre Google Books

Alors que le programme Google Books (Google Livres sur la plateforme francophone) du géant américain fait débat sur internet et que les livres électroniques ont débarqué en légion à l'approche des dernières fêtes de fin d'années, l'avenir du livre papier peut sembler sombre, ou du moins quelque peu compromis.

À ce jour selon Google, les internautes du monde entier ont à leur disposition 10 millions de livres dont 1,5 millions faisant partie du domaine public peuvent être lus en totalité et gratuitement (parmi les autres restants, 2 millions proviennent des accords passés avec les éditeurs et 6,5 millions ne présente que de courts extraits). Ce programme de numérisation pose, comme l'on pouvait s'y attendre, des problèmes de droits d'auteur. Tandis qu'aux États-Unis un accord a été trouvé (après une procédure collective – class action) entre Google et l'alliance entre les éditeurs et les auteurs américains (évitant ainsi une condamnation ou une relaxe), en France, le tribunal de grande instance de Paris a interdit au groupe américain de poursuivre la numérisation et la diffusion d'ouvrages sans autorisation des auteurs et éditeurs. Le tribunal l'a par ailleurs condamné à verser 300 000 euros, au titre des dommages et intérêts, aux éditions La Martinière, troisième groupe français, et 1 euro symbolique au Syndicat national de l'édition (SNE) et à la Société des gens de lettres de France (SGDL). Cette décision fera-t-elle jurisprudence ? C'est en tout cas ce qu'espère Hervé de la Martinière, PDG du groupe d'édition du même nom, qui prétend que « d'autres sont prêts à attaquer Google, les Allemands en tête ». Bien entendu, Google France, par la voix de Benjamin du Chaffaut, déclare « regretter la décision du tribunal » et ajoute que le groupe envisage de faire appel. De leur côté, les éditeurs, la SGDL et la SNE crient victoire. Le président de la Société des gens de lettres de France précise toutefois que les auteurs et les éditeurs sont « prêts à discuter » et qu'il est possible de « numériser correctement », citant le projet Gallica, piloté par la Bibliothèque nationale de France. En effet, ces derniers semblent plus que conscients que le livre ne peut résister éternellement à la révolution numérique et que Google, en tant que «seigneur suprême » des moteurs de recherche y jouera un rôle déterminant, absolu et inévitable avec cette nouvelle année qui ouvre une nouvelle décennie.

Comme dit précédemment, nous avons pu assister, à l'approche des fêtes de fin d'année, à une déferlante de livres électroniques. Ceci est en partie dû à la sortie de l'appareil d'Amazon (le Kindle) dans sa version internationale le 19 octobre 2009. Le 28 décembre 2009, Amazon déclare d'ailleurs avoir vendu plus de livres électroniques que de livres papier *. Les éventuels futurs nostalgiques du livre papier s'en
désolent déjà, affirmant que le livre numérique n'aura jamais la même préciosité que le livre papier, qu'il ne ravira jamais nos sens avec son odeur ou sa texture et que l'expérience de sa lecture ne sera plus physique mais uniquement intellectuelle. Mais certains font état du fait que ce point de vue pourrait être vite dépassé, ce qui semble en définitive assez rationnel à la vue des nombreux arguments du livre électronique. Les passionnés de littérature ne devraient, en tout état de cause, pas considérer ce dernier comme l'Antéchrist, le Léviathan ou le fossoyeur de la littérature. Le livre électronique présente ainsi bon nombre d'avantages non négligeables, parmi lesquels : on peut en effet espérer une réduction à terme de l'impact environnemental de l'industrie du livre (bien que beaucoup de tirages se font désormais sur papier recyclé ou sont issus de forêts créées spécialement pour cette occasion) ; les dictionnaires intégrés aux livres numériques pourraient permettre une démocratisation de lectures qui effrayent certaines personnes ; en réduisant les coûts de production, les livres numériques permettront aux éditeurs de se montrer plus audacieux et d'éditer certains livres jugés aujourd'hui à risque (les jeunes auteurs, par exemple), de rééditer des textes rares ou à faibles tirage (en science) ; il permettra aussi de lire sur le même support des livres, évidemment, mais aussi des BD, des journaux, des magasines....
En outre, le lecteur aura aussi la possibilité d'obtenir un livre 24H/24H, 7J/7J, peu importe où il se trouve, en le téléchargeant en quelques minutes. Il faut aussi penser qu'il est possible d'agrandir la taille des caractères, avantage suprême pour les personnes qui ont des problèmes de vue ! Enfin, les livres numériques ne sont jamais épuisés : leurs tirages sont infinis...

La fin du livre papier est-elle donc pour demain ? Connaîtra-t-il le même sort que nos vieux supports audiovisuels qui croupissent, qui agonisent dans nos caves ? Non, probablement pas dans l'immédiat en tout cas. Ni même dans les années qui vont suivre d'ailleurs. On imagine mal voir ce qui est arrivé à la musique et au cinéma se reproduire avec la même célérité au livre. L'histoire de la littérature et l'histoire de la musique et du cinéma ne sont pas comparables. Depuis leur création, ces derniers ont connu différents supports : les bandes (magnétiques), les disques, les cassettes, les CDs, les DVDs... La littérature, depuis des siècles, n'a, à ce jour, rien connu d'autre que le livre.