Alleluïa (ortographe non définie)

Les aiguilles de l’horloge tournaient lentement. Sous un monotone air de Jazz, elles semblaient s’être arrêtées sur dix-sept heure cinq d’une façon cruelle et terrible. Le temps paraissait tellement long sans Norah. Le pub se trouvait exceptionnellement vide pour une fin d’après midi. La musique lancinante étouffait les murmures des rares clients plongés dans l’atmosphère semi-glaciale du bar. Que faire ? Que penser ? Que décider ? Norah était partie, et plus rien n’avait de sens sans elle.
Wes Burden résonnait maintenant, fort et puissant, et Mark, immobile devant une brune comme celles que savent si bien faire les irlandais, n’entendait pas, ne savait plus. Il ignorait tout des raisons pour lesquelles il avait décidé de faire comme tout les hommes en panne d’amour, pourquoi il avait choisi ce bar parmi tout les pubs de Galway, et de quelle façon il avait commencé à raconter sa vie à Candy, serveuse chanteuse dans ce bar miteux.
Il lui parlait de lui, de sa brillante carrière d’avocat, des moments passés à Harvard, sa rencontre avec Norah. Il lui contait Whitney Houston, ses conversations burlesques avec ses amis, son enfance. Elle, elle l’écoutait patiemment, sans essayer d’intervenir dans ce grand monologue résultant de la vie brisée d’un ivrogne sans avenir apparent. Calmement, elle le laissait parler, attentive et resplendissante du haut de son mètre et onze. Ses boucles blondes tombaient de part et d’autre de son visage. Candy respirait la simplicité et la joie. Elle avait toujours souri. Le travail voulait ça, mais elle n’était pas comme la plupart des serveuses, de mauvaise humeur et toujours avides de ragots. Paisiblement, les coudes sur le comptoir, elle écoutait.
Il se soulageait péniblement, ne sachant trop comment exprimer par des mots la plus belle période de sa vie. Ce moment restait gravé dans sa mémoire avec la plus exquise précision. Ce jour-là, Norah était entrée dans sa vie dans sa vie, il avait été ébloui par sa façon de sourire, il avait été ému en la voyant rire, et était fatalement tombé amoureux de cette jeune femme, à l’instant même où il avait senti sa tête sur son épaule, lorsque pour la première fois il avait dansé avec elle, sur I will Always Love You, de Whitney Houston. Il se rappelait comment ils en avaient fait leur chanson, le regard brillant de Norah quand elle l’écoutait à la radio, le feu d’artifice qui y explosait à chaque fois qu’il avait une attention pour elle, la façon délicieuse et cruelle qu’elle avait de pleurer, l’odeur de sa peau lorsqu’elle se pressait contre lui, tout cela lui revenait peu à peu. Sa voix se fit vacillante, et ses mains tremblèrent tellement qu’il n’osa plus toucher sa chope.
Elle était partie. Partie. La cruauté de ce mot le frappait cruement et brutalement. Quoi donc ? Partie ? Comment ça, partie ? Pourquoi partie ?
D’un coup tout s’estompa. Candy le regardait de ses grands yeux bleus. Elle avait les larmes aux yeux, mais ne cessât toutefois pas de sourire. Un long silence plana. Mark replongea ses son regard dans le vide de l’absence, ne prononçant plus un mot, ne respirant qu’à peine.