Nous autresEugène Zamiatine
Synopsis : ".... On nous attacha sur des tables pour nous faire subir la Grande Opération. Le lendemain, je me rendis chez le Bienfaiteur et lui racontai tout ce que je savais sur les ennemis du bonheur. Je ne comprends pas pourquoi cela m'avait paru si difficile auparavant. Ce ne peut être qu'à cause de ma maladie, à cause de mon âme." Ainsi parle D-503, un homme des siècles futurs. Il vit dans une société qui impose fermement l'Harmonie sous la direction du Guide. Or D-503 qui participe activement à l'expansion de cette organisation à l'échelle interplanétaire en arrive à l'autocritique, à la dénonciation, au rééquilibrage psychique.
Info : Ce livre a inspiré George Orwell avec
1984 et Aldous Huxley avec
Le meilleur des mondes. Il a par ailleurs été interdit par Staline (et n'est toujours pas paru en Russie selon la préface datant de 1971, j'ignore ce qu'il en est aujourd'hui). Zamiatine a été arrêté puis relâché, après quoi il s'est évadé à Paris en 1931. La préface comprend d'ailleurs la lettre que Zamiatine a lui-même écrit à Staline pour lui demander l'exil.
Mon avis : Aimant beaucoup les dystopies en général, j'ai vraiment apprécié ce livre, qui a d'ailleurs inspiré George Orwell et Aldous Huxley, sans doute plus connus que Zamiatine à l'heure actuelle. Dans la société dépeinte dans
Nous autres, le bonheur semble être un droit mais surtout un devoir. Tout est réglementé de façon à ce que les sentiments, qu'ils soient bons ou mauvais, n'existent pas, et les hommes sont présentés comme des "
numéros", numéros faisant absolument tout à la même heure : L'heure du réveil est ainsi la même pour tous, tout comme celle du travail, des repas et du coucher. En outre, tous les immeubles sont transparents, ce qui empêche toute activité solitaire, et les rideaux ne sont autorisés que pour les "
jours sexuels", qui ont eux aussi leurs règles. Tout est contrôlé dans ce système, et cela même jusqu'à la nature, les individus vivant d'ailleurs derrière un "
Mur Vert" les séparant complètement de la faune et de la flore. Si ce système peut paraître effrayant, il n'en reste pas moins que les "
numéros" du récit semblent totalement endoctrinés et donc heureux de vivre ainsi. Ils font confiance au Bienfaiteur et ne cessent d'ailleurs de le réélire, tout individu étant contre cette réélection étant de toute façon éliminé.
Le personnage principal, D-503, est très intéressant car on assiste au fil de l'histoire à son évolution. Travaillant pour le système, il nous semble tout d'abord parfaitement intégré dans celui-ci, mais sa rencontre avec I et les sentiments qu'il va éprouver à son égard vont tout chambouler. I est en effet différente des autres, et elle va pousser D-503 à s'interroger sur le système dans lequel il vit. Celui-ci va alors être diagnostiqué comme "
malade" : ll a en effet une âme, ce qui n'est pas compatible avec le système en place. La fin du récit et l'idée de la Grande Opération sont vraiment intéressantes, car plus on regarde autour de soi et plus on réalise que certains états n'hésiteraient pas à agir de la sorte s'ils en avaient les moyens scientifiques. Car dans
Nous autres, ce sont les mathématiques qui expliquent tout, ceci des rapports humains jusqu'au bonheur. Ce que j'ai regretté ceci dit, c'est que certains passages du livre soient assez obscurs, complexes. Le livre est en effet écrit sous la forme d'un journal, ce qui a priori est intéressant car D-503 ne cesse d'apostropher le lecteur pour le faire réagir, mais le problème, c'est qu'il ne cesse d'accumuler les métaphores et de divaguer, ce qui a tendance à nous faire perdre le fil des évènements. Autrement, c'est un livre qui vaut vraiment la peine d'être lu, ne serait-ce que pour découvrir l'auteur qui a inspiré les célèbres Orwell et Huxley.
Citations- "On ne peut aimer que l'indomptable."
- L'Homo sapiens ne devient homme, au sens plein du mot, que lorsqu'il n'y a plus de points d'interrogation dans sa grammaire, mais uniquement des points d'exclamation, des virgules et des points.
- "Les hommes sont comme les romans : Avant la dernière page, on ne sait jamais comment ils finiront. Autrement cela ne vaudrait pas la peine de les lire."