Don Juan - Molière

Un « Dom Juan » est un personnage mythique qui recherche vainement le plaisir de la chair et vit dans la jouissance de l'instant présent, en s'opposant aux règles et contraintes politiques, sociales et religieuses de son temps, ainsi qu'en ignorant vulgairement autrui. C'est donc à la fois un libertin, un égoïste et un destructeur.
L'histoire de ce théâtre de Molière proviendrait d'une histoire vraie : né d'un fait divers, Dom Juan serait rapporté par la Chronique de Séville (Espagne) au XV ou au début du XVI ème siècle : Don Tenorio tua le commandeur Ulloa dont il avait séduit la fille. Les moines du couvent où fut enterrée le commandeur furent outrés de cet acte indigne des mœurs de l'époque, ourdirent un complot « de salubrité publique » et assassinèrent ce Don Juan de la Renaissance en faisant disparaître son corps – racontant ensuite qu'il avait été foudroyé par le Ciel et entraîné en Enfer pour punissement de toutes ses fautes de mortel (du mal fait aux autres ainsi que son refus de se repentir.) Par la dimension de l'homme lui-même, par la renommée de ses actes, et par le spectaculaire de cette fin, tous les éléments d'un mythe sont irrémédiablement réunis : le mythe de Dom Juan naissait !

Autant effrénée que courte, cette pièce de théâtre où Molière met en scène ce mythe vivant de l'homme séducteur qui pêche en toute impunité, fut absolument scandaleuse lorsqu'elle fut publiée et jouée. De nos jours, ce n'est pas sans surprise que de lire une telle pièce qui mélange cet aspect abject de l'être humain manipulateur et vicieux, avec ce certain côté humoristique qui détend et surprend à la lecture.
Puisque les actes de ce Dom Juan moderne ne sont pas tellement déroutant pour le 21ème siècle, ce livre l'est d'autant plus qu'il cache un message que souhait divulguer l'auteur au lecteur : Molière souhaite avant tout faire une critique minutieuse de la religion et défendre le personnage de Don Juan sur ses convictions d'homme athée, totalement décalé de l'existence à laquelle il vit.
J'ai également été surpris de constater quelques passages marginaux qui soutiennent l'anormal, tels que l'apparition du Commandeur qui n'est pas une statue muette et de pierre, mais un véritable personnage qui conspire à la défense des idées de l'écrivain. La frénétique envie de la part du personnage principal d'attirer des femmes par sa beauté et son charisme est mise en parallèle aux recommandations de Sganarelle, son plus fidèle valet, très attaché aux prouesses de la médecine, à la réalité de la religion, et au devoir d'un gentilhomme au temps fort de l'humanisme.
La farce s'entrechoque aux avertissements de bons chrétiens, l'argent, le pouvoir et l'amour se succèdent, se croisent et s'entremêlent, et toujours cette ardeur durant les joutes verbales à transmettre ces discours peu amènes...
Je suis quelque déçu de n'avoir pas trouvé davantage de confrontations entre les maîtresses et les infidélités du faux romantique, mais félicite ce brio auquel s'est mené l'auteur à la dénonciation cachée - au travers de l'hypocrisie et du mensonge, d'un mythe qui se perpétue... mais qui ne demeure pas dans ce bouquin.

L'auteur :

Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, est un dramaturge et acteur de théâtre français baptisé le 15 janvier 1622 et décédé le 17 février 1673. Considéré comme l'âme de la comédie française, il est depuis des siècles l'acteur le plus joué dans de multiples représentations. Impitoyable pour le pédantisme des faux savants, le mensonge des médecins ignorants, la prétention des bourgeois enrichis, Molière, aime la jeunesse qu'il désire libérer des contraintes absurdes. Très loin des rigueurs obligatoires de son époque, son rôle de moraliste s'arrête là où il l'a défini : « Je ne sais s'il n'est pas mieux de travailler à rectifier et à adoucir les passions des hommes que de vouloir les retrancher entièrement » ; et son but a été de « faire rire les honnêtes gens. » Il fait donc sienne la devise « Castigat ridendo mores » (en riant, elle châtie les mœurs.)